Handicap et vie démocratique

Si la loi est claire concernant la citoyenneté des personnes en situation de handicap, dans la pratique les difficultés demeurent pour les électeurs comme les élus handicapés.

Comment faciliter la participation à la vie démocratique des personnes en situation de handicap, qu’elles souhaitent s’engager en politique ou simplement voter ?

Éléments de réponse présentés lors de la 40e rencontre de l’Association pour la promotion de l’accessibilité et de la conception pour tous (Apact), le 31 janvier à Paris.

De toute évidence, les choses ont un peu changé, selon Jérémie Boroy, président du CNCPH. Les candidats doivent désormais veiller à l’accessibilité de leurs campagnes selon le nouveau code électoral, et le décret 2021-1740 du 22 décembre 2021 institue une obligation de dépôt d’une profession de foi en langage « facile à lire et à comprendre » pour les candidats aux élections régionales et législatives…

 

Contrôles des candidats :


C’est une première étape que Jérémie Boroy se propose d’en assurer un suivi : il a présenté au Cese le 27 janvier le principe d’un observatoire de l’accessibilité des campagnes électorales, jusqu’au second tour des élections législatives. Réunions publiques, sites Internet, réseaux sociaux, programmes et professions de foi… les éléments de campagnes seront contrôlés afin de vérifier que les candidats sont en capacité d’apporter une version accessible. Premier relevé : le 4 février.

Par ailleurs, le CNCPH proposera des tutoriels, vidéos et modes d’emploi à disposition des candidats, pour faciliter l’adaptation du matériel. D’ores et déjà, Jérémie Boroy souligne qu’ils peuvent bénéficier du soutien du service public de l’audiovisuel pour mettre en accessibilité les vidéos de campagne, via le sous-titrage et la LSF.

Exercer son pouvoir de citoyen ne va pas toujours de soi, relève la présidente des Papillons blancs dans la salle : ainsi, alors que la loi du 23 mars 2019 permet aux personnes sous tutelle de voter, que l’article L-64 du code électoral prévoit le droit de se faire assister, les assesseurs refusent parfois deux personnes dans un isoloir… La ville de Paris a déployé des vidéos de formations à destination de ses assesseurs, pour les sensibiliser à ce sujet.

 

Cumul de difficultés pour les élus : 


Du côté des élus en situation de handicap, les choses évoluent peu… Selon Cyril Desjeux, directeur scientifique et sociologue, qui a présenté la recherche exploratoire réalisée par Handeo à l’approche des élections, des « difficultés viennent amplifier celles déjà existantes et, dans quelques cas, en créer de nouvelles… » Difficultés législatives, les personnes sous curatelle ou tutelle ne pouvant se présenter comme candidats (sauf à l’élection présidentielle), financières, matérielles…

Il égrène les freins : la prestation compensatoire de handicap, si elle permet des frais supplémentaires pour l’exercice d’un mandat électoral, les limite à 156 h ; les MDPH refusent aux personnes sourdes le forfait surdité pour des frais liés à l’exercice du mandat électoral… Un seul élu sourd sur sept, relève-t-il, l’a obtenu… Le mandat d’élu n’entraîne par ailleurs aucun aménagement de l’Agefiph ou du FIPHFP, car ce n’est pas un « poste »… Manque d’accessibilité des lieux, fatigabilité, difficulté pour gérer les aides humaines au regard de l’organisation de la campagne ou du mandat, système de représentation qui « hiérarchise » les handicaps…

On est loin du compte et Handeo formule quatre recommandations pour changer la donne : abroger les articles interdisant l’éligibilité aux personnes sous curatelle ou tutelle, faciliter l’ensemble des activités d’un élu pour exercer leur mandat, créer des leviers de soutien financier dans le cadre des campagnes électorales, formaliser un réseau de ressources pour les candidats. Ces propositions seront soumises prochainement à la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel.

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